Éditions Beya

Jean de La Fontaine

Le Corbeau et le Renard

Commenté par Stéphane Feye.

Une interprétation possible de la célèbre fable de La Fontaine, selon le sens hermétique.


« Maître corbeau sur un arbre perché »: il est donc bien le Maître, et se trouve perché en haut d’un arbre qui pourrait bien être la colonne vertébrale.

 

« Tenait en son bec un fromage »: le fromage est ce lait universel de la sainte Église coagulé. Il s’agit de la parole, qui est bel et bien perchée en haut : dans la bouche.

 

« Maître Renard » : Maître Renard n’est en réalité encore qu’un disciple, mais il va bientôt devenir maître à son tour par la réception de cette parole transmise. Le Renard est un cœur pur : rein-hart, tandis que le « corps beau », c’est Vénus, le beau corps de la parole.

 

Maître Reinhart, le cœur pur « par l’odeur alléché », lié par l’inspiration de cette parole divine, « lui tint à peu près ce langage ». Pourquoi « à peu près » ? Parce que l’on ne dit jamais exactement la Chose, on ne peut que la décrire en paraboles, en images.

 

« Bonjour Monsieur du Corbeau, que vous êtes joli, que vous me semblez beau » : évidemment… Monsieur, ou Mon Seigneur, c’est toujours la belle parole. Sans elle, il ne peut y avoir que de mauvais jours.

 

« Sans mentir » : car cette parole est pure et débarrassée métaphysiquement de tout mensonge. Hermès ajouterait : « certaine et très véritable... »

 

« Si votre ramage se rapporte à votre plumage » : ce qui prouve bien qu’il s’agit d’une question de parole ailée, comme Homère le dit souvent. Sans plume, peut-on écrire un mot ?

 

« Vous êtes le phœnix des hôtes de ces bois » : cet oiseau renaissait trois fois de ses cendres lorsque l’on allumait son nid, de même que le Christ s’est redressé trois fois lorsqu'il portait le bois de sa croix. Comme dans : « Au clair de l'allume », on cherche la plume et on cherche le feu.

 

« À ces mots, le corbeau ne se sent pas de joie, et pour montrer sa belle voix », cela montre que le sens dépend de la vocalisation. Dans la tradition hébraïque, les consonnes solitaires nécessitent l’esprit, la vocalisation, pour être comprises non tristement. Nous avons ici la Torah orale, appelée Torah chè bealpé (תורה שׁבעל־פה).

 

« Il ouvre un large bec et laisse tomber sa proie »: voilà la transmission du Verbe. Le corbeau est alors comme Isaac l’ancien qui transmet sa bénédiction à Jacob le nouveau. Cette transmission est irréversible.

 

« Le renard s’en saisit et dit »: cette parole est donc bien matérielle. Elle prend corps. C'est ce qui arrive quand on saisit ce que disent les sages.

 

« apprenez, mon bon monsieur », car c’est un bon Seigneur qui lui a transmis.

 

« que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l’écoute. Cette leçon vaut bien un fromage sans doute »: cette leçon est évidement une manière de lire et de recevoir la parole. Mais ce n’est pas tout, cette parole doit être confirmée, plus tard, par un serment, et c’est pourquoi il est dit :

 

« le corbeau honteux et confus, jura mais un peu tard qu’on ne l’y prendrait plus » : une fois ce serment assuré, on ne peut pas le transmettre une deuxième fois.

 

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Le Corbeau et le Renard (Fernand Nathan éditeur, Paris).